L’abus de l’utilisation des antibiotiques combiné au phénomène de résistance rend certains antibiotiques de moins en moins efficaces. Aujourd’hui, certaines infections ne peuvent plus être soignées avec les antibiotiques actuels et il est probable que cela continue d’évoluer en ce sens. En parallèle, l’industrie pharmaceutique se montre incapable de mettre au point de nouveaux antibiotiques. En fait, elle s’en désintéresse. Depuis plus de 70 ans, les laboratoires ont cherché des antibiotiques « à large spectre » capables d’éliminer de nombreuses bactéries, mais, désormais, les plus « faciles » ont déjà été découverts. Quant aux antibiotiques « à spectre étroit », moins nombreux, ils sont difficilement compatibles avec le modèle économique actuel. « Pour que les laboratoires entrent dans leurs frais, chaque traitement antibiotique à spectre étroit de cinq ou dix jours utilisé par un nombre relativement réduit de patients devrait être vendu plusieurs milliers d’euros, tandis que ceux à large spectre n’en valent au plus que quelques dizaines d’euros » estime l’éminent microbiologiste Martin Blaser. « L’industrie pharmaceutique préfère mettre au point des médicaments pour l’hypertension, le diabète, les maladies du cœur, pris quotidiennement pendant des années par des millions de personnes, ou d’autres extrêmement chers contre le cancer. »
De nouvelles pistes sont à l'étude
L’IDSA s’inquiète déjà depuis plusieurs années de l’insuffisance de l’innovation dans ce domaine, tout en sachant que le processus requiert des années… Des chercheurs ont néanmoins identifié un nouvel antibiotique au cours des dernières semaines. Il s’agit du teixobactin, une molécule naturelle identifiée en passant en revue des milliers de composés extraits de bactéries provenant du sol. L’affaire reste à suivre mais pourrait déboucher sur une nouvelle famille d'antibiotiques dans quelques années.
Les antibiotiques sont des promoteurs de croissance
Aujourd’hui, personne n’ignore que les animaux d’élevage reçoivent de faibles doses d’antibiotiques pour accélérer leur croissance. Certes, depuis 2006, il est interdit par un règlement européen d’utiliser des additifs antibiotiques à effet facteur de croissance dans les aliments pour animaux. Il n’empêche que chaque année en France, 1000 tonnes d’antibiotiques sont toujours distribués aux animaux d’élevage.
Si les éleveurs peuvent favoriser la croissance des jeunes animaux en leur donnant des antibiotique
s, ne faisons-nous pas la même chose en administrant des médicaments identiques à nos enfants ? La question mérite d’être posée. Dans les élevages américains, les animaux reçoivent de faibles doses ininterrompues d’antibiotiques, tandis que les enfants reçoivent des doses beaucoup plus fortes mais de manière épisodique. Les effets peuvent-ils être comparables ?
Les éleveurs ont constaté que presque tous les antibiotiques avaient un impact sur leur croissance. Quelque soit leur structure, leur mode d’action ou leur spectre d’activité (large ou étroit). Comment expliquer ce phénomène, puisque les antibi
iques n’agissent théoriquement que sur les bactéries ? Tout simplement : les bactéries auraient un rôle dans la croissance.
L'influence de la composition microbienne sur la croissance
Des chercheurs ont tenté de vérifier cette hypothèse qui confère, au microbiote, une importance capitale. En 2007, une première série d’expériences sur les pratiques d’élevage a montré que les souris qui consommaient des antibiotiques à faibles doses avaient 15 % de graisse de plus que les souris témoins. Les chercheurs ont également montré que les antibiotiques modifiaient la composition des populations de microbes intestinaux. Une autre étude s’est intéressée à la fraction des aliments non digérés par l’organisme. Au niveau du gros intestin, on retrouve ainsi des éléments résiduels indigestes voués à être évacués. Cependant, certaines bactéries sont capables de digérer ces matières et les transforment partiellement en acides gras absorbés par l’organisme. L’étude a montré que les souris soumises aux antibiotiques contenaient davantage ce type de bactéries : mieux nourries, elles sont donc plus grasses. Mais ce n’est pas tout. D’autres expériences ont montré qu’un traitement antibiotique administré à un stade précoce suffisait à produire un effet à vie : durant la période cruciale de croissance, des perturbations même brèves peuvent tout changer…
Il ne s'agit pas d'interdire les antibiotiques mais de les administrer plus sagement. Pour l'heure, on se heurte à une inertie totale. Comme c'est le cas pour le réchauffement planétaire…
Publié dans PasseportSante.net
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